Accéder au contenu principal

insécurité de la sécurité

En France, le discours ambiant de la première décennie du vingt et unième siècle est pétri [cet article est paru initialement en 2008] de considérations sur la sécurité.

La Mission linguistique francophone constate qu'il en résulte des dérives lexicales malencontreuses. Si le vif succès du mot "insécurité" n'appelle pas de mise en garde, il n'en va pas de même pour emploi fautif des barbarismes "sécuriser", "sécurisé" et "sécurisation", actuellement omniprésents dans le vocabulaire des professionnels de la langue, et par suite, du public.

Les choses ne sont plus sûres, elles sont sécurisées.
Les biens et les personnes ne sont plus en sécurité, ils sont sécurisés.
Les inquiets ne sont plus rassurés, ils sont sécurisés.
Les faibles ne sont plus protégés, ils sont sécurisés.
Les périmètres dangereux pour notre sécurité ne sont plus interdits ni bouclés, ils sont sécurisés.
Les champs de mines ne sont plus déminés, ils sont sécurisés.
Les falaises, les voûtes, les murets qui menacent de s'écrouler ne sont plus consolidés ni étayés, ils sont sécurisés.
Les villes assiégées ne sont plus envahies ni conquises ni prises ni même défendues, comme elles l'étaient jadis ; les correspondants de guerre nous disent qu'elles sont maintenant "sécurisées" par l'assaillant - ou sécurisées par l'assiégé s'il se défend bien.

Bref, "Sécurisé/sécuriser" peuvent signifier tout et son contraire.

Mais cette vacuité de sens n'est pas leur moindre défaut. La Mission linguistique francophone rappelle que "sécuriser" et "sécurisé" sont des barbarismes dérivés d'une mauvaise traduction du verbe anglais "to secure" [signifiant "assurer", "rassurer", "rendre sûr", "garantir"].

Paradoxe ultime : aussi présent qu'il soit sous divers aspects déformés, le mot sécurité lui-même perd sa vigueur de jour en jour et vit dans la plus grande insécurité, menacé de disparition sous les coups lourds et gauches du barbarisme "sécurisation" (sic) - un synonyme illégitime dont abusent rédacteurs et locuteurs professionnels, tous secteurs confondus - organismes officiels compris.

Conclusion : "sécuriser", "sécurisé" et "sécurisation" sont à proscrire activement. La langue française dispose de tous les mots voulus et n'a nul besoin de ces néologismes parasites au sens vague, à l'origine défectueuse, nuisibles à sa clarté et à sa cohérence.

Commentaires

Anne a dit…
Bonjour
Et France Terme : http://www.culture.fr/franceterme/result?francetermeSearchTerme=sécurisée&francetermeSearchDomaine=0&francetermeSearchSubmit=rechercher&action=search
Miss LF a dit…
Anne, en effet, on voit se multiplier les francisations officielles effectuées malencontreusement au moyen de ce barbarisme. C'est déconcertant.

Vous attirez précisément notre attention sur la divulgation par France Terme de supposées francisations malhabiles employant "sécurisée" au lieu de sûre, prudente, de sécurité, de sûreté, protégée, etc.

Nous avons adressé une recommandation inverse. Mais nous connaissons l'orgueil des commission de terminologie, c'est humain, et pouvons être certains qu'il n'y aura pas de rectification. Peut-on au moins espérer que ces bévues officielles à base de "sécuriser" et de "sécurisation" n'iront pas plus loin ? Peu probable, hélas.

Voici les trois francisations malencontreuses que vous avez relevés dans ce site officiel du ministère français de la Culture :

- "Zone sécurisée" (sic) au lieu de "zone protégée", "zone de sécurité", "zone de sûreté" ou "zone sûre".
- "Obligation sécurisée" (sic) au lieu de "obligation sûre", "obligation garantie", "obligation sans danger".
- "voie sécurisée" (sic) au lieu de "voie de sécurité", "voie protégée", etc.

Merci pour votre contribution. Miss L.F.

Articles les plus lus cette semaine

Mbappé ne s'appelle pas M-Bappé

à très vite ou à très bientôt ?