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une médaille olympique n'est pas une breloque

Cet article publié au terme de Jeux olympiques de 2012 reste d'actualité. Nous le remettons sur le dessus de la pile à l'attention des professionnels du commentaire sportif.

La grande fête olympique a rimé, une fois encore, avec grande dé-fête linguistique.

Les commentateurs sportifs les plus en vue se sont surpassés dans le dérèglement lexical, syntaxique et phonétique. Ainsi a-t-on pu entendre dire qu'un lutteur avait "bien paradé l'attaque" (sic) de son adversaire (comprenez : "bien paré l'attaque"), et qu'un judoka avait fait preuve de beaucoup de tact (sic) pour arriver en demi-finale (comprenez : beaucoup de sens tactique). Mais cela ne serait rien sans l'avalanche de termes argotiques que les journalistes sportifs ne perçoivent plus comme tels : les pattes, la tronche, le mec, etc. Summum de cette perte de repères lexicaux et d'incapacité à ajuster le niveau de langue du commentaire sportif : les médailles, si noblement méritées, sont désormais qualifiées de breloques. Le comble de l'honneur rabaissé au comble de la pacotille... Car, comme chacun sait, une breloque est un pendentif de peu de valeur.

Comme cela ne suffit toujours pas, il faut bien sûr s'emmêler délibérément les pinceaux dans les préfixes : en français, on décroche la place de premier ou la médaille qui va avec ; mais en langue de commentateur sportif, depuis peu, on accroche la place de premier ou la médaille qui va avec.

"Il faut que la langue évolue", entend-on dire. Certes. C'est sans doute pourquoi l'adjectif Olympique se prononce désormais Ôlympique chez les journalistes de la génération montante. Géniale évolution, en vérité, qui fait entendre un Ô au lieu d'un O, un oméga au lieu d'un omicron, au mépris de l'origine notoirement hellénique de ce mot. Car en grec, Olympe s'écrit avec un omicron (son ouvert comme dans coq) et non un oméga (son fermé comme dans gros). La prononciation fermée du O ouvert de Olympique est donc strictement illégitime, en grec comme en français.

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Commentaires

Anne Onyme a dit…
Je partage totalement votre avis ! Surtout la remarque sur les O ouverts et fermés qui sont (quasi) systématiquement confondus dans le discours journalistique ambiant... Mes oreilles hurlent de douleur quand j'entends à la radio parler de personnes qu'on "emboche" ou de la ville d' "Aurange" !
Et ce n'est qu'une confusion parmi d'autres... Venant pourtant de personnes qui n'ont pas l'excuse d'avoir un accent régional... Je n'ai rien contre les accents régionaux mais là ce n'est pas la même chose, il s'agit de gens qui parlent un français parfaitement standard mais se plaisent (par effet de mode ou pour se donner un genre, je suppose) à le maltraiter !

Dernier exemple en date, j'écoute un podcast (au demeurant fort intéressant) ou un jeune homme chroniqueur en est le parfait exemple. Pas d'accent notable lié à une région spécifique, et pourtant, il cumule toutes les confusions de voyelles : O ouverts et fermés inversés, E ouverts et fermés confus ("le lait" devient "le lé" mais "la fraternité", dans sa bouche, devient fréquemment "la fraternitait" avec un E ouvert à la fin), les  (comme dans "pâte") ont disparu, de même que les UN (confondus avec les IN), la distinction entre les "eu" et les "eû" est inexistante (je l'ai entendu toute une émission dire "jeune" pour parler en réalité du "jeûne") !
Et pour finir, cerise sur le gâteau, il affecte ce "parler bébé" que l'on entend de plus en plus et qui consiste à faire des O à la place des E ("le rOblonchon", "rOfaire le point") et surtout à transformer les AN/EN en ON. J'avais déjà remarqué cette tendance chez certain(e)s mais chez lui c'est systématique, le "temps" est invariablement prononcé "tomps", "lent" devient "long", "les Français" deviennent "les froncés" (avec un "é" à la fin, évidemment) et "les Anglais"... des "onglés" !

Un jour ça en était trop ; je n'en pouvais plus de l'entendre parler avec sa patate chaude dans la bouche de la "maudernitait" (= modernité) et des "froncés qui se sonté pas on confionce" (sans la liaison, c'est encore mieux) "dovont les chongemonts on praufondeur de la sauciétait", une attitude qui "commonce à se répondre dongereus'mont" ! J'ai écrit à la rédaction pour dire STOP, à la suite de quoi la rédactrice en chef a daigné me répondre...

Accrochez-vous, le seul problème serait mon "conservatisme" : la diction du jeune homme serait "impeccable", "la langue évolue" (quel couplet éculé...) et ce serait moi, en substance, qui resterait accrochée à une vision passéiste des choses. Quand j'ai fait remarquer que certaines confusions de voyelles obscurcissaient le propos en créant un grand nombre d'homophones (c'est qui est évidemment le cas avec la confusion AN/ON) elle n'a rien trouvé de mieux à dire qu'il n'appartenait qu'à moi d'être plus attentive au "contexte" car avec le "contexte" on comprenait tout. Au passage, selon elle, prononcer ON au lieu de AN comme ce jeune chroniqueur ne serait pas seulement "moderne" mais même "très mignon"... On croit rêver !

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