Accéder au contenu principal

la crise n'est pas près de finir

Quiconque croit juste de dire "la crise n'est pas prête de finir" au lieu de "la crise n'est pas près de finir" se met le doigt dans l'œil ; ou plutôt, la langue... Et contrairement au gecko de Nouvelle-Calédonie, pas pour voir y plus net de près ni de loin.

Car dans toutes les langues dont la nôtre, les adverbes sont massivement invariables*. Y compris les adverbes loin et près.

L'idée fausse selon laquelle l'adverbe près posséderait la faculté extraordinaire de s'accorder en genre, et donc d'être tantôt masculin tantôt féminin, s'est pourtant incrustée dans certains esprits, notamment ceux de trop nombreux professionnels des médias parlants. 

En dépit de longues années d'études de la langue française et de leur métier d'artisans de cette langue, des locuteurs professionnels de la télévision et de la radio perçoivent l'adjectif prête comme le féminin de l'adverbe près, puisqu'ils ne craignent pas de dire "elle n'est pas prête de finir" (sic) au lieu de "elle n'est pas près de finir".

Si leur intention est en réalité d'utiliser ici l'adjectif prêt au féminin, alors ils font une grossière erreur syntaxe, en construisant prêt avec la préposition de au lieu de la préposition à. En français, on est près de la sortie mais on est prêt à sortir. La crise serait donc prête à finir, mais certainement pas prête de finir. Car en français, on est "prêt à tout" et non "prêt de tout" !

On note avec soulagement que les journalistes de la presse parlée ne nous invitent pas encore à féminiser de la même manière l'adverbe loin, antonyme de l'adverbe près. On ne les entend pas dire "Charlotte ira lointaine" au lieu de "Charlotte ira loin".

En fait, on ne les entend accorder de force aucun autre adverbe. "Ils sont souvent absents" ne donne pas chez eux "elles sont souventes absentes"...

La féminisation aberrante du mot près s'avère non seulement unique dans la famille des adverbes mais sélective. On remarque que les adeptes de cette faute ne disent pas : "Aussi loin que nous soyons l'un de l'autre, je vis prête de toi", au lieu de "je vis près de toi". Perdus pour perdus, ils ont tort de s'en priver : ici au moins, on aurait sur la langue la saveur délicate d'une licence poétique...

CLIQUEZ ICI POUR ACCÉDER À LA PAGE D'ACCUEIL DU SITE DE LA MISSION LINGUISTIQUE FRANCOPHONE 

*Les seules exceptions admises en matière d'invariabilité des adverbes concernent de rares adjectifs devenus adverbes, tels : tout (tout seul) qui donne éventuellement toute seule, grand (grand ouvert) qui donne éventuellement grande ouverte, tandis que doux (filer doux) ne donne jamais "filer douce". Et encore leur nature adverbiale est-elle incertaine dans bien des cas où ces mots sont accordés : ils sont tout tristes (adverbe), elle est toute triste (adverbe synonyme de totalement ou adjectif signifiant tout entière ?).

Commentaires

Articles les plus lus cette semaine

à très vite ou à très bientôt ?